Je n’avais pas envie de disparaître. C’est venu sans prévenir. Les premiers jours on y pense. On se prépare à écrire, puis on repousse au lendemain. Puis le lendemain c’est pareil. Alors on ne s’y prépare plus. Tous les jours on y pense un peu et cela dure quelques semaines. Puis on se dit que cela fait du bien. Je me dis que ce qui pourrait sortir ne sera pas aussi bon que ce qui est déjà sorti. Alors je me résous à attendre un jour meilleur, ou une catastrophe qui me rendra nécessaire de venir un peu ici reposer ma tête en la vidant un peu, en collant des mots et des phrases. En couchant ce qui me cause tant de soucis. En accouchant de mes pensées joyeuses ou malheureuses. Enfin j’apprends à m’en sortir sans écrire. Je croque de nouveau la vie. Revoilà le printemps, la sève remonte en moi, je me sens pousser des ailes, j’ai confiance en moi, les misères des derniers moi me semblent lointaine… Très lointaines, elle concerne une autre fille que moi. Je reviens écrire là parce qu’il fait beau. Parce que tout va bien. Parce que j’en ai envie et que je ne reviens pas par là portée par les mêmes mauvais vents que par le passé.
Je me coiffe. Je me maquille. Je change jupe une fois. Puis deux. Je sors prendre la température. Il fait si bon ! Je remonte retirer mes bas. Puis je change de talons. Louise dort encore. Elle ronfle même par moment, et elle tousse. J’ignore où elle était hier, et avec qui. Nous n’avons pas la même vie, pas les mêmes rêves, nous ne sommes pas des semblables. Je n’envie pas sa vie. Elle n’envie pas la mienne. Par elle j’ai appris à ne pas envier ce que je n’ai pas. Elle veut tellement tout avoir… Et je ne suis pas ainsi. Plus ainsi.
C’est le printemps. Je veux du soleil. Je veux la paix. Je veux le repos. Je veux rester calme. Je veux rester assise dans une chaise longe dans le jardin. Un livre. Un truc à boire, quelque chose de frais. Je veux me sentir désirable. Je veux me promener dans des forêts profondes pour narguer le loup, parce que je n’ai plus peur de lui ni de qui que ce soit d’autre. Je veux le regarder droit dans les yeux tandis qu’il me prendra. Je veux du sexe. C’est le printemps.
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