Les trois coups raisonnent, le silence se fait. Je les entends encore distinctement quelques années plus tard. Mes premiers trois coups. Dans la salle j’ai de la fièvre. Je n’en doute pas. Mes genoux font des castagnettes et je m’en cogne les rotules. Je ne crains rien du travail de Nelly. Simplement d’affronter la réalité en face. Va-t-on m’aimer ? Quelle réponse rencontrera mon travail ? Je mesure le chemin parcouru grâce à Nelly. Elle m’a fait croire en moi. Croire que mes écrits pouvaient sortir d’où ils étaient et prendre forme, prendre vie, se présenter sur les planches d’un petit théâtre desYvelines face à un public par avance déjà presque conquis. Je vais assister à l’envol de mes mots en quelque sorte.

Il fait une chaleur étouffante. Septembre semblait apporter la rédemption, mais il n’en est encore rien. Mal aérée, la petite salle des fêtes avec son estrade et sa centaine de chaise bien disposées ressemble à une fournaise. Les comédiens amateurs suent à grosses gouttes dans les coulisse que j’ai quitté quelques instants plus tôt pour accueillir à l’entrée.

Nelly a construit son travail comme un patchwork d’idées sans queue ni tête. Quatre noms se partagent le titre d’auteur sur le petit papier que je distribue à l’entrée. La première partie du spectacle mis en scène par Nelly repose sur mes premiers textes, et j’ai une boule dans la gorge bien que je ne sois pas appelée à monter sur scène à aucun moment. Pourtant mon prénom et mon nom sont écrits là et cela me suffit pour danser d’un pied à l’autre entre fierté et angoisse.

Je vois Nelly passer dans la salle. Aller et retour incessants, de points en points. Lumière, coulisses, décors, coup d’oeils sur la salle qui se remplit déjà. Elle stress mais d’une énergie qui fait belle à voir, et s’éponge son front entre deux sourire et de profond soupir, de grandes respiration la main posée sur son ventre pour retrouver ses esprits dans ce brasier que devient petit à petit la salle en ce début d’après midi. Elle assure une première partie improvisée sans s’en rendre compte. Les premières personnes présentes sur les chaises ne quittent pas des yeux ce personnage étrange, cet fille déjà un peu femme, entre elfe et fée, qui va et vient tel un tourbillon dans une ruche.

On commence à chercher les chaises vides. Les places qui restent sont de moins en moins bien placées. Un murmure gagne la salle… Les discussions du publique, parfois de personnes qui se retrouvent à cette occasion avant l’ouverture symbolique des draps qui servent de rideau. Jusqu’à ce que la lumière de la salle s’éteigne et la plonge dans l’obscurité la plus profonde. Il n’y a plus qu’à droite et à gauche les lumières vertes des petits rectangles indiquant les sorties de secours. Au cas où j’aurai besoin de m’éclipser ?

Trois coups frappent les planches. Suivis de trois coups sur un dong de récupération. Deux filles montent sur scène et tirent le rideau de fortune. La lumière s’allume et baigne tout doucement, puis plus brusquement une estrade encore vide. Tom arrive en retard. Je trouve deux places en faisant déplacer quatre personnes. Nous nous asseyons l’un et l’autre sur le côté, presque au fond. A un endroit que je juge malgré tout stratégique. De là je verrai tout : scène et réactions des invités. Il sert deux seconde la main posée sur mon genoux. Comme pour me dire que tout vas bien se passer… « Cela me fait plaisir que tu sois venu – Cela me fait plaisir que tu m’ai invité… » me répond-il à voix basse lui aussi. Le silence de tous, attentif, attend le début de la représentation. La musique emplit alors la pièce. Je retiens ma respiration…

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