Elle n’a pas vraiment l’air d’une grange. Du moins à l’intérieur. Je ne pose pas de question, mais on a plutôt l’impression d’être dans une salle des fêtes. J’apprends très rapidement que ça en est une. Mariages, concerts, pièces de théâtre… si de l’extérieur on peut imaginer qu’elle est blindée de foin jusqu’au plafond, une fois dedans le décors change. Les murs sont isolés, il y a même chauffage. Noël et Elizabeth ne se sont pas seulement contentés de restaurer la ferme qu’ils habitent. Ils semblent avoir créé au milieu de nulle part leur petit monde bien à eux, en pleine campagne normande, entre les vaches, les chevaux et les pommiers… Je suis subjuguée par ce qui m’apparaît comme deux véritables personnages de romans. A côté j’aurai presque l’air toute petite… De vrais romantiques, ils sont allés au bout de leurs désirs et de leurs envies. Ils vivent tels qu’ils l’entendaient. Quelle différence y a-t-il entre eux et moi ? Etre deux, vivre cela à deux rend-t-il plus ambitieux face à ses envies ?
Elizabeth est sortie. J’installe avec Nelly les tapis de mousse sur le sol. « Hein ça dégoutterai presque… » sourit Nelly. Je ne suis pas dégouttée. Je m’interroge seulement. Je ne les envie pas. Non ce n’est pas la vie dont j’aurai rêvé. D’ailleurs Noël est bien sympathique, il a beaucoup de choses pour lui, mais ce n’est pas mon genre d’homme. Je ne m’identifie pas plus à Elizabeth.
_ Moi non plus… Mais ils vivent là où je voudrais vivre… Bon plus dans le Sud ce serait mieux. Mais ce serait formidable d’avoir une baraque assez grande pour des stages, proposer la nuit avec… Puis une salle comme ça…
Je sais à quoi elle pense. Je sais de quoi elle veut parler. Une salle comme cela pour ses stages de relaxation, d’art thérapie, de théâtre… Monter des pièces. Pouvoir héberger plus d’une douzaine de personne durant plusieurs nuits… En attendant elle organise et reçoit là où elle peut. Et elle a raison, c’est déjà une sacrée chance de connaître Noël et Elizabeth.
Tous les tapis sont disposés. On se grille une clope à l’extérieur. Je fume beaucoup plus lorsque je suis avec Nelly. Et depuis mon arrêt maladie aussi. Il fait froid mais le soleil est magnifique. Un joli début d’après-midi.
Il y a quinze personnes inscrites pour le stage de relaxation. Plus moi.
_ Elizabeth est une bête, plaisante Nelly, je sais pas comment elle a fait ma pub, mais elle a mis au moins autant de personnes sur liste d’attente… Tu imagines les pauvres comme ça doit les stresser ?
Elle rigole avec elle-même. Enjouée comme à chaque fois avant d’entrer en action.
_ Tu crois qu’il suffit d’avoir très envie d’une chose pour qu’elle se réalise ? murmure-t-elle.
_ J’aimerai bien vivre comme ça…
_ Ouais, on achèterait une baraque et on retaperait tout…
_ Surtout moi… Attends de voir mes talents de bricoleuse !
_ Ouais en jupe… Fais gaffe tu risques de filer tes bas !
_ Salope !
_ N’empêche que tu dois être la seule fille que je connaisse qui se pointe à un stage de relaxation avec dans son sac seulement une jupe et un pantalon taille basse…
_ Oh tu aurais pu me le dire !
_ Tu as vingt-neuf ans, je pensais que tu t’en douterais, me charrie-t-elle.
Elle redevient pensive, elle fume sa cigarette comme une bienheureuse : « Je crois qu’on pourrait en vivre des stages, je commence à me dire ça… Toi tu ferrais les cahiers pédagogiques pour les écoles, l’intendance, vendre le spectacle en mairie… Ce serait complètement le pied… Tu crois pas.
Je la regarde rêver un instant et sourire en tirant sur sa cigarette. Comme moi je crois qu’elle aimerait qu’il suffise de prononcer des paroles pour changer le monde. Comme des gosses en quelque sorte.
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Commentaires :
Tout moi ton texte. Me rêver à travers ce que les autres ont réaliser et me demander si j'aurai mon tour pour réaliser mes envies, ou si au contraire je vais devoir les mettre de côté en me disant que c'était bien jolie tout cela mais pas très sérieux.
Bonne soirée Stefie et A+