Nelly habitait à cinq cent mètre à peine de chez moi, dans un quartier récent pris sur des champs. Les maisonnettes avaient un peu plus de cinq ans il me semble. J’avais vu quelques fois l’avancement des travaux en me rendant chez mes pères alors que je vivais encore sur Paris avec Antoine. Nelly semblait vivre dans une maison de vacance au bord de la mer. Les haies avaient un peu poussé et les arbres aussi, mais ils étaient encore de jeunes arbustes. L’endroit semblait encore inachevé, mal intégré au reste de la ville.

Au devant, dans le jardin, sur la terrasse, Nelly avait installé un barnum qu’elle avait aménagé avec des meubles de récupérations et des objets fait de bric et de broc. Elle avait peint sur de grandes planches de bois, avec de la peinture vinylique qu’on trouve chez Castorama m’expliqua-t-elle. Ses peintures reflétaient à mon sens une âme tourmentée refusant d’entrer dans un de ces moules dans lesquels j’étais entré comme bien d’autres personnes. Mais une certaine joie se dégageait de chacune de ses œuvres.

Elle me fit entrer dans un grande pièce prenant presque l’essentiel du rez-de chaussée. Elle semblait se faire un plaisir de ma faire visiter, malgré ce désordre ambiant qui s’apparentais à un style de vie. Deux fils ornés de fanions, de ceux qu’on trouve tendue entre les rues le 14 juillet, traversaient ce salon avec télévision, deux canapés et une table basse. Le tout encombrés d’objet diverses, de vêtements, de peinture inachevées ou de feuilles manuscrites. De la vaisselle utilisée était empilé au dessus du poste et le magnétoscope traînait par terre au milieu du passage. Elle me fit également visiter la chambre d’amis qui se trouvait après le coin cuisine et salle à manger. Evidemment eux aussi inutilisable en l’état. De même la chambre ne pouvait pas recevoir d’amis à moins de faire entrer un bulldozer pour dégager le lit.

Je la suivis dans les escaliers en bois. Des escaliers de meunier qui donnait du cachet à la pièce, mais étaient très glissant à monter en bas. Il conduisait à une large mezzanine où elle avait mis son lit. Mais elle m’expliqua préférer s’endormir en bas sur le canapé. Elle avait cédé l’endroit à sa chatte qui dormait près d’un panier où somnolaient trois petits chatons aux paupières lourdes.

Nelly semblait avoir besoin de parler. Ou peut-être avait-elle senti que j’en avais lourd sur le cœur. Elle commença par parler longuement d’elle, de ses amours, de ses parents qui la soutenaient dans sa vie hasardeuse faite spectacles à « quatre sous » et de projets divers. Ils payaient son loyer. Mais elle inventait excuses sur excuses pour qu’ils ne viennent pas lui rendre visite, de peur qu’ils deviennent malades en voyant le bazar dont est fait sa vie. Elle m’en dit ensuite long sur ses amours. Je ne faisais pas que l’écouter. Lentement un dialogue commença à s’instaurer. Elle avait une façon burlesque et absurde de raconter. Même lorsque ce n’était pas drôle elle s’arranger pour me faire rire.

Alors, ensuite, mise à l’aise, je commençais à me dévoiler et me raconter à mon tour. « Ton ex, je l’ai même pas vu, mais déjà je ne l’aime pas ! » s’amusa-t-elle.

Plusieurs heures plus tard je m’écroulais à côté des chats sur le lit de la mezzanine avec le sentiment d’avoir avancé énormément en une nuit à fumer des pétards et discuter. J’avais trouvé une amie. Je ne me sentais plus seule et je n’avais plus ce sentiment de me heurter sans cesse aux mêmes visages en tournant en rond. Même si pour l’heure le lit remuait dans tous les sens…