Lui, c'est le père d'une élève de l'école qui est dans la classe de ma collègue. Elle en ferait bien son quatre heures d'ailleurs... "Je te jure, c'est toi qu'il a regardé..." me répète-t-elle encore une fois. Trente-cinq ans, il amène et vient rechercher sa fille une semaine sur deux. "Il est divorcé" m'apprend-elle. Elle a raison. Il est charmant. Pas forcément l'homme dont je rêverai avant de m'endormir. Mais très bien physiquement, et avec quelque chose de plus dans l'allure. Un type qui a l'air sérieux et sans histoires.

On en parle de temps en temps comme ça. Deux institutrice célibataires, dans une école où il n'y a que des femmes, forcément on se met à regarder les pères. "Et de lui tu en penses quoi? - Je l'ai eu dans ma classe au lycée... Et il a l'air toujours aussi con! - Oui il a l'air un peu cake! - Tu as vu sa voiture? - Non - Faut que tu vois ça... Ah oui il est sexy mais à mon avis là haut il a un petit vélo... Déjà le tuning bon... Voilà c'est le tuning, on en pense pareil. Mais alors lui c'est monstrueux... Comment tu veux pas que son gamin soit traumatisée de venir à l'école après ça! Tu imagines si ton père se garait sur le parking de l'école avec ça? Il peut pas être normal forcément...". "Non, lui il n'est pas top... Mais il est vraiment bien avec ses gosses. Le père idéal pour des enfants - Et en mari? - Je suis certaine qu'il est pareil - Moi il me dit rien... - Et le père de Bidule? - Ah là c'est autre chose! Quand il veut où il veut! Il dort pas dans la baignoire non plus lui!".

Un soir, il y a environ deux mois, je corrige les cahiers pour le lendemain. Comme tous les soirs. La classe est vide depuis une heure au moins. J'ai mis de la musique d'ailleurs. La porte de ma salle est restée ouverte. Je n'aime pas la fermer. Il toque à la porte. Un sourire timide, mais pas trop. "Je ne vous dérrange pas?". Il n'attend pas trop ma réponse. Je me suis levée derrière mon bureau. Il approche doucement. En général ça fait cela à tout le monde, même au adultes, une instit derrière son bureau ça trouble. On ose pas faire n'importe quoi. On nous l'apprend à l'IUFM : le bureau est le symbole de notre statut. Un peu comme la blouse autrefois. Je sors de derrière mon bureau. L'effet marche à tous les coups. Il est encore un peu hésitant, sur la pointe des pieds. Je ne suis puis au bureau, mais il est malgré tout dans une école. Il dit qu'il aime beaucoup Thomas Fersen lui aussi et désigne le poste de son index. De près il est encore mieux que de loin. Non pas la baignoire...

_ Vous êtes peut-être très prise,commence-t-il, mais je me demandais si vous accépteriez un restaurant un soir...Tous les deux?

Non il n'est pas si timide que cela. Il en joue me semble-t-il. Très habillement d'ailleurs. Il doit savoir que lorsqu'il lâche ses yeux ça fait un choc. On ne me démonte pas facilement. Pourtant il y parvient. Il avance d'un pas. Un pas plein d'assurance. "Je vous trouve ravissante... Belle a croquer! Je serais très heureux de mieux vous connaître...". Il me semble que je passe ma main dans sur nuque. Un geste typique de trouble. Le mien. "On a dû très souvent le dire... Peut-être aussi mal que moi... Mais vous être sublime!".

_ Euh... Je ne sais pas quoi dire... Que voulez-vous?

_ Dîner avec vous. Je vous laisse ma carte... sourit-il

Il pose un papier déchiré avec son numéro griffoné dessus à l'encre rouge.

_ Vous m'appelerez?

_ Je ne sais pas...

_ Si vous ne savez pas alors peut-être me laisserez vous le vôtre?

Il a écrit son prénom au dessus des chiffres. Alexandre il s'appelle. J'hésite puis je prends un stylo.

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