Il faisait chaud. J'avais ouvert les fenêtres. Avec ma Despérados dans une main je me sentais en été. Je me suis mise à hurler sans raison. D'abord des cris de joie, un peu comme les femmes marocaines qui célébrent un mariage. Puis je chantais : "Tu es libre Stef, tu es libre, cours le vieux monde est derrière toi!!!". Et comme je criais j'en avais des frissons dans le dos. La chaire de poule. Ma tête me tournait et je me suis mise à danser sur un disque de Madonna à mon frère. Mais comme je suis mauvaise en anglais je ne faisais que crier "Music!!! Music!!! Music!!!". Et j'aimais bien. Je remuais dans tous les sens, je prenais des pauses vulgaires devant son miroir et ça me faisait rire. Surtout de me passer la langue sur les lèvres avec des yeux remplis de lubricité. Je suis allée me changer. J'ai mis une jupe et un truc noir que j'adorais. Et j'ai continué comme ça à me donner en spectacle rien que pour moi, les mains sur les fesses, je m'amusais comme une folle. Rien que pour moi.

Quand mon frère est arrivé j'avais déjà bu quelques bières. Les bouteilles formaient un triangle équilatéral sur la table. J'étais en sueur. Des cheveux collés sur le visage. "Eh bien tu as pas l'air de t'être ennuyée!" m'a-t-il fait. Je lui ai sauté au cou en hurlant que j'étais "troooop heureuseeeeeeeee!!!". Il était mort de rire : "Oui je vois ça!". On s'est assis. On a déliré. On a discuté. Il mettait les derniers disques qu'il venaient de s'acheter pour me les faire découvrir. "Tu as passé ta soirée avec Anne? - Oui -Elle va bien? - Très bien... Elle t'embrasse! - Moi aussiiiii! Tu l'as pas ramenée? - Elle voulait pas nous embêter - Moi elle m'embête jamais! - Tu la verras demain de toute façon... Là elle a dit qu'elle préférait nous laisser seuls... - Je l'aime bien. Elle est bien cette fille... - Oui. Elle l'est...". Il me fait son sourire à lui. Plein de satisfaction. Plein d'amour aussi. Il pensait un peu à elle, elle était pas loin je coris. Il est content de lui, heureux de ce qu'il vit, fou d'Anne. Et elle lui rend bien. Moi ça me fait plaisir, c'est fou comme ça me fait plaisir. Il n'y a pas de type qui plus que lui mérite cela.

On est comme avant. Lorsqu'à la maison j'allais dans sa chambre sur la pointe des pieds et que je frappais à sa porte alors que tout le monde était déjà au lit. Nous nous racontions notre journée. Les petits plaisirs de la journée. Nous paratgions nos déprimes, nos cafards tout noirs, nos goûts nos couleurs. Il roule un joint. Comme avant. Moi ça me démange. Je lui prends deux feuilles, quand il a fini avec la boulette j'effrite moi aussi. On parle et on parle. On fume. On boit. On dit "j'adore la mélodie là...". Je dis je suis heureuse d'être débarassée d'Antoine. Il dit "Tu es la bienvenue Stef!". On est comme les deux doigts de la mains!

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