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Pile ou face?

Le pharmacien a bien de la peine pour moi. « Comment ça va ? » s’inquiète-t-il comme si j’étais sa propre fille. La soixantaine, le pharmacien du village rencontre l’institutrice. Il fait le tour pour venir me faire la bise. Depuis ses vœux pour la nouvelle année, et ma première visite chez lui avec mon ordonnance de 2006, il semble ne pas se lasser. Deux sur chaque joue. Mais je prends cette marque d’attention avec plaisir. Et presque comme un honneur même. Son parfum est agréable même s’il est celui d’un homme de son âge. Mon frère sourit en restant à part. L’homme à la blouse blanche fait un peu de place sur le comptoir pour que je puisse m’appuyer sans mes béquilles. Drôle de manège que je m’impose. Je pourrais faire sans. Mais il faut rester crédible. Je m’appuie :  « Pour moi ce sera un demi et toi tu prends quoi ? … Aller la même chose, c’est ma tournée ! Efferalgan pour tout le monde c’est la fête !».

Non, on ne plaisante pas avec cela. L’instit du village, même si je ne vis pas vraiment dans un village, ça se choye. Ca s’observe aussi. Je dois surveiller mon image. Pour un professionnel de la santé on reconnaît un enseignant à sa carte Vital rattachée à la MGEN.  Je ne fais pas exception. A part cela on me connaît. D’ailleurs la laborantine sort des coulisses et vient me saluer. Durant un instant c’est tout le village qui semble se demander si je me rétablis. Je manque bien à son fils, même si ça se passe très bien avec ma remplaçante m’apprend-elle. Je présente mon frère. Elle avance d’un pas pour lui tendre une main aux doigts parfaitement serrés. « On devait partir au ski aux prochaine vacances, du coup Arthur a peur ! » m’informe-t-elle en souriant. Que répondre à cela ? Lui dire que tant qu’il n’y a pas d’enfants qui ne savent pas skier qui vous arrivent dessus on n’a rien à craindre ? Une bonne skieuse comme moi, que dis-je, une presque professionnel, je rate ma qualification pour les JO d’hivers à Turin pour une stupide blessure causée par un stupide gamin… Et je me retrouve à faire mes soldes sur internet.

Avec mes béquilles je passe pour une fille qui ne sait pas skier, c’est bien ce qui m’ennuie le plus en fin de compte. Le repos forcé ne me dérange pas. Ma classe ne me manque pas. Depuis quand est-ce que ce métier m’ennuie autant ? Depuis que je me suis faite larguée en fait. Alors tout va bien, peut-être que le plaisir reviendra. D’autres envies sont bien déjà revenues après tout. Je me retrouve bien à parler avec mon pharmacien et sa laborantine des dangers de la montagne, puis de ceux de la mer, et à la fin c’est presque moi qui les saoule. Je suis redevenue sociable. Même souriante. Agréable avec les autres. On croirait la Stéfie d’avant.

Dans le miroir aussi j’ai vu mon visage redevenir joli. Je ne sais pas comment j’avais fini par devenir laide. Sans doute que je ne l’étais pas. Mais j’avais du mal à me regarder. Trop de fatigue. Trop de soucis sur mon visage. Je ne voyais que mes premières rides. Et nullement comme de jolies petites rides contrairement à ce que pouvaient me dire les personne que je sollicitais pour m’éclairer sur ce délicat problème. Je me regardais avec un certain rejet. Je regardais le monde entier avec un certain rejet. Le laid l’avait emporté sur le beau un peu partout. Le rapport entre les deux a mis du temps à se rééquilibrer.

Seul le temps guéri. Voilà ce que m’apprend mon kiné. Chaque nouvelle visite est un plaisir. J’aime son regard sur moi. De toute évidence je suis une patiente qu’il apprécie. Je ne dois pas avoir les jambes les plus dégueulasse dont il s’occupe. Quant au reste je crois qu’il aime à le regarder. Rien de dérangeant dans ce regard. Au contraire, je me sens flattée. Je passe à chaque fois un agréable moment. Sans doute que sans s’en rendre compte il guérit également ma tête. Je l’entends presque penser tout haut « Quelle belle femme !». Et il fait du bien à mon genou déglingué. Sans doute que je verse toujours dans une forme de narcissisme. Moi j’ai envie de lui répondre en pensant tout haut : « Quelles belles mains !!! ». Il a décidément bien choisi son métier. Il a des doigts à faire des gammes sur un piano. J’hésite à lui demander si tout le monde a d’aussi belle main dans sa famille, et si par hasard il n’aurait pas un frère plus jeune et célibataire.

Mes journées de malades passent donc ainsi, entre repos forcé et sortie médicales. Des amis de temps en temps. Mon frère que j’essaie de voir en profitant de ma demi infirmité passagère. J’invite du monde chez moi et je les regarde préparer à manger et mettre le couvert en mettant fourchette et couteaux du bon côté des assiettes. Ce que je n’ai jamais su faire. Une semaine ou deux encore pour que mon genou se rétablisse a dit le médecin. Le temps que tout se remette en place. J’aimerai me reconstruire aussi vite.

Mon téléphone sonne. Antoine. Ira ou ira pas ? Un autre est passé depuis lui qui a bien davantage fait battre mon cœur. Tant de choses sont passées. La rencontre avec cet ex est sans danger semble-t-il. Mais quel intérêt aussi ? Cela peut-il m’aider de le revoir ? Je laisse le hasard décider. Je lance une pièce. Pile ou face ?

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Ecrit par stefie, le Jeudi 12 Janvier 2006, 20:39 dans la rubrique Premiers Pas.

Commentaires :

Lolo
12-01-06 à 21:03

Petite annonce

Qu'est-ce que je donnerai pas pour te masser le genou! Tu veux pas des séances en plus? Sûre et certaine?

 
Alycia
12-01-06 à 21:06

Moi mon pharmacien!

Mon pharmacien est jeune et beau, il ne m'a pas présenté ses voeux et me fait encore moins la bise. Dois-je aller faire du skier et revenir avec un plâtre ou dois-je entrer à l'éducation nationale?!!!!

 
Vinzzz
Vinzzz
12-01-06 à 23:02

Prompts rétablissements (oui, oui, au pluriel)
A bientôt

 
Sylvano
Sylvano
13-01-06 à 13:21

et du courage !